En 2020-21, LAGAZEL a mené un projet visant à renforcer et développer la valeur ajoutée locale des ateliers de fabrication LAGAZEL au Burkina Faso et au Bénin. Avec l’appui financier du programme POP VA&EC du DFID, une étude a été menée par l’association de recherche IFSRA afin d’évaluer en quoi la présence desdites usines dans ces localités peut contribuer à l’amélioration du cadre de vie des populations par la création d’emplois et de valeur ajoutée locale. Retrouvez ci-dessous l’étude de cas de Célestin Cissé, employé de LAGAZEL.

1. Présentation de Célestin Cissé

Célestin Cissé est un employé de Lagazel recruté depuis sa création le 13 octobre 2016. Il est âgé de 50 ans, marié et père de deux filles qui ont respectivement 8 et 5 ans. Il a une formation bilingue en Dioula-français. Frappé par la poliomyélite depuis son enfance, il vit aujourd’hui paralysé des deux membres inférieurs dans une zone non-viabilisée communément appelé non-lotis à Dédougou.

Photographie 1 : Celestin Cissé employé de Lagazel chez lui. DDG le 06/10/2021

2. Lagazel et l’employé Célestin Cissé

Dans une vie professionnelle antérieure, Célestin travaillait pour l’entreprise solaire CB Energie avant de se faire engager par Lagazel en 2016 pour un premier contrat de 2 ans. Bénéficiant de la confiance des premiers responsables de l’entreprise, il a vu son contrat renouvelé jusqu’à aujourd’hui. Au sein de l’entreprise, il travaille dans la chaine de montage, plus précisément à la section de soudure des cartes électroniques et souvent à la section assemblage.

3. Impacts

3.1.   Sur le plan professionnel

En tant que personne handicapée, Célestin a ses chances d’insertion socio-professionnelle réduite. A l’époque à laquelle il est né, il y avait peu de mesures sur le plan administratif et législatif pour accompagner les personnes vivant en situation de handicap. Aujourd’hui les conditions sont meilleures du fait d’un certain nombre de mesures prises pour améliorer les chances de compétition de cette catégorie de personnes dont fait partie Célestin. Il est ainsi à l’avantage de la discrimination positive un candidat au même titre que tout candidat pour tenter sa chance dans la vie. Lagazel en faisant le choix de s’implanter à Dédougou, a aussi fait le choix de contribuer à l’égalité des chances en favorisant notamment le recrutement des personnes handicapées et des femmes. Les critères de sélection prenant ainsi en compte les personnes avec handicap, ont permis à Célestin d’être recruté pour un premier contrat de 2 ans à l’ouverture de l’usine en 2016, et depuis lors, il demeure employé par l’entreprise. Il est ainsi à l’abri de la menace du chômage et a le bonheur de travailler comme le souhaiteraient tous les jeunes sans emploi. Du fait de son travail, il se sent utile à sa communauté et loin de la tentation aux vices qui pourraient entamer sa réputation morale. Par l’emploi qu’il exerce, il confie avoir appris beaucoup de choses telle la soudure, la réparation de certaines pannes sur les lampes solaires, mais aussi qu’il a une bonne connaissance des différents composants qui permettent de fabriquer des bons produits. C’est une fierté particulière et une grande satisfaction pour lui de voir qu’il participe à la fabrication au niveau local des produits qu’on retrouve sur le marché national et international à travers les rayons des commerces.

Photographie 2 : Célestin Cissé en son poste, section soudure carte électronique à l’usine Lagazel. DDG le 13/09/2021

3.2.   Sur le plan socio-économique

La famille de Célestin Cissé fait partie de ces nombreuses familles vivant de graves difficultés sur le plan social et financier. Ce sont généralement des foyers, du fait de la faible qualification professionnelle de ses membres, qui n’ont pas la possibilité d’avoir un travail qui leur garantit de bons revenus afin d’améliorer leur quotidien et de faire des planifications pour l’avenir. La situation socio-économique de Célestin va connaître une amélioration avec l’emploi obtenu grâce à l’implantation de l’usine Lagazel à Dédougou. Dans son récit lors de nos échanges, il nous a fait remarquer les changements intervenus dans sa vie en ces termes :« depuis que je travaille à Lagazel, j’arrive à réaliser certaines choses pour ma famille. J’ai pu inscrire ma fille dans une école privée ou la scolarité fait 30.000 francs CFA, j’ai également pris un maître de maison pour l’encadrer et elle gagne de bons résultats à l’école. Au premier trimestre, elle a eu 8 de moyennes en classe de CE1. J’ai aussi aidé ma femme avec ce que je gagne à faire un petit commerce. Elle vend du charbon et du « soumbala » pour nous aider à gérer les besoins de la famille. J’ai également pu lui acheter un vélo avec lequel elle se déplace et aussi pour se promener dans le quartier et vendre ses produits les soirs. J’ai gagné par l’action sociale une moto pour handicapé que j’allais revendre si je ne travaillais pas. Je peux mettre l’essence pour aller au travail et l’entretenir grâce à mon salaire. Ma femme et moi on s’est marié à l’église en juin 2020 grâce à l’argent que je mettais de côté ».

Photographie 3 : Célestin assiste sa fille en classe de CE1 à la lecture. DDG le 13/09/2021

Ce que l’on peut retenir de cette interview c’est que le travail de Célestin à Lagazel impacte positivement sa vie. Il normalise sa situation matrimoniale avec sa femme, il offre un meilleur cadre d’apprentissage à sa fille pour mieux garantir son avenir. Au niveau économique, il contribue à autonomiser sa femme sur le plan financier par deux activités commerciales génératrices de revenus. On voit également qu’il a amélioré du fait de son travail lié au choix de Lagazel de s’implanter au niveau local, les conditions de mobilité de la famille. Il nourrit beaucoup d’espoir par rapport à son travail qu’il espère pouvoir l’aider à renforcer le commerce de son épouse et à finir la dernière étape de normalisation de sa vie avec sa femme par le mariage civil qui va donner plus de garantie à ses ayants droit.

3.3.   Sur le cadre de vie

Sur le cadre de vie, Célestin a pu améliorer au fil des années de son contrat signé avec Lagazel la sécurité de sa vie en construisant une clôture pour sa maison. Dans la zone où il habite, la généralité des maisons ne sont pas clôturées et pour les rares qui le sont, elles le sont à base de matériaux fait d’un mélange de sable et d’argile. Ce type de matériaux est reconnu pour ne pas être durable et inadapté à la saison pluvieuse après le passage de laquelle il faut reconstruire une nouvelle clôture. Célestin a pu, grâce à son travail, se construire une clôture définitive ou du moins durable avec du matériel de très bonne qualité constitué de briques en pierre taillées et reliées par du ciment. Il explique : « j’ai construit ma maison grâce à l’accompagnement d’une bonne volonté et après je n’avais pas de clôture, donc ma famille et moi n’avions pas de secret et comme on habite au bord d’une voie, tout le monde peut savoir ce que vous faites et pour les voleurs aussi ils peuvent vous faire du mal un jour. Quand il pleut, l’eau traversait la cour et avec mon handicap, je me faisais toujours mouiller et salir en sortant et c’était beaucoup de travail pour ma femme qui devait creuser des trous pour faire passer l’eau. Quand j’ai signé mon premier contrat, j’ai profité prendre un prêt pour réaliser la clôture et depuis, moi et ma famille on vit loin de ce problème. ». Pendant nos échanges, il m’indexe un tableau endossé à l’un des côtés de sa maison me disant qu’il a également pu le réaliser avec du ciment et de l’ardoisine pour son enfant depuis un an maintenant parce que dit-il : « je gagne un peu un peu avec Lagazel et donc je peux faire des choses pour ma première fille qui va à l’école pour qu’elle apprenne bien ses leçons ». Connaissant l’environnement d’insécurité et de perturbation lié à la scolarisation de la jeune fille aujourd’hui et partout en Afrique, on peut se réjouir de l’installation de l’usine au niveau local. Il nous confiera également, que, c’est grâce à son travail à Lagazel qu’il a pu contracter un prêt et acheter un vélo à sa femme pour ses courses.

Photographie 4 : Clôture en dure de la cour de Célestin. DDG le 13/09/2021

4. Contraintes

Aujourd’hui, l’insécurité qui règne dans la boucle du Mouhoun n’est pas de nature à garantir à l’entreprise un environnement favorable et serein pour déployer toute son activité et se projeter dans la durée. Cela impacte du même coup sur la force d’employabilité et la stabilité des emplois dans la durée. La situation sécuritaire qui s’aggrave visiblement et qui se rapproche de la zone d’implantation de l’usine de jour en jour (la menace est 10 km en allant à Nouna vers le nord-ouest), jette sur l’entreprise deux menaces principales dont au mieux une délocalisation ou au pire une fermeture qui va aussi refermer les espoirs sur les emplois locaux. La situation sanitaire mondiale met en grande difficulté les entreprises dont l’une des conséquences directes est la réduction des personnels ou la baisse de la durée des contrats. Les employés de Lagazel sont sous cette menace. C’est d’ailleurs la seule difficulté pour Célestin Cissé qui a vu progressivement son contrat passer de deux ans à 6 mois pour finir avec des contrats de 3 mois bien que contribuant énormément à améliorer sa vie. Cela crée de l’incertitude par rapport à son avenir en tant qu’employé de Lagazel. Il ne sait pas s’il va demeurer dans l’entreprise pendant longtemps du fait des contraintes internes et externes.

5. Recommandations

Indépendamment de ce qui relève d’un engagement de l’Etat burkinabè pour ce qui est de l’aggravation des questions sécuritaires dans la zone et des garanties à donner pour des acteurs comme Lagazel qui participe de par leur présence à la résilience, c’est que l’entreprise prenne des mesures supplémentaires pour sa sécurité. Les autorités locales, au regard du rôle important joué par Lagazel dans la région peuvent placer le site de l’usine comme lieu sensible dans le dispositif sécuritaire pour garantir son fonctionnement continue.

Il faut dire que Lagazel est implantée dans une zone stratégique et très sensible de façon naturel et il s’agit de sa frontière avec le camp militaire de Dédougou, toute chose qui peut mettre le site à l’abri de toutes menaces mais qui peut également l’exposer à toutes les menaces du fait que les cibles des terroristes qui interviennent dans la zone sont les symboles de l’Etat et notamment les camps/casernes militaires. Si aucune de ces mesures ne parait assez efficace par rapport à l’ampleur de la menace, il faudrait envisager la délocalisation de l’usine pour préserver les emplois des travailleurs.

Lagazel peut aussi réfléchir à une diversification de son modèle d’affaires et sources de revenus (gamme de produits, sous-traitance, reconditionnement) afin de maintenir un niveau d’activités suffisant au sein de l’usine qui permettrait d’améliorer la durabilité et stabilité des emplois d’opérateurs de production.